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fils; les récits de Jean de Troyes sont presque toujours monotones : il y a du mouvement dans ceux de L'Estoile ; sous l'apparence de la naïveté et de la bonhomie il cache un caractère caustique, et laisse rarement échap­per l'occasion de lancer un trait malin. Dans ses Mé­moires , les affaires de l'Etat sont confondues avec les affaires de famille, avec les morts, les mariages et les naissances; on y trouve pêle-mêle les prix des denrées, les bonnes et les mauvaises récoltes, les maladies épi­démique, les phénomènes, les procès fameux, les exécutions, les cérémonies publiques, les fêtes, les anec­dotes de la cour, les événemens gais ou tragiques, les bons mots et les pièces de vers auxquels ils ont donné lieu, des jugemens sur les ouvrages marquans, etc.
On connoît la merveilleuse facilité qu'avoit Henri iv pour répondre sur-le-champ et d'une manière origi­nale aux demandes ou aux remontrances qu'on lui fai­soit : L'Estoile rapporte un ts-grand nombre de ces réponses, dont plusieurs sont peu connues. Enfin ses Mémoires ressemblent à une conversation, l'on passe alternativement d'un objet à un autre sans pres­que s'en apercevoir ; et comme L'Estoile a l'art de pi­quer la curiosité du lecteur, on quitte difficilement le livre quand on l'a commencé. On lui a reproché avec raison d'avoir fait quelquefois des remarques grossières, de n'avoir pas été toujours très-scrupuleux sur le choix de ses expressions, et de s'être laissé entraîner à des détails peu convenables, par la manie de conter des anecdotes. Nous n'essaierons pas de le justifier : nous ferons observer seulement que ces défauts, chez un homme grave par sa charge et par ses habitudes, con­tribuent à peindre les mœurs et l'esprit du temps.
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